Ellis Mhairi Cameron : Joaillière de la Terre
Rencontre avec une créatrice de bijoux écossaise, dont le travail rend hommage à son héritage ancestral.
« Il n’y a rien de mieux que le diamant en tant que matière première à travailler, il existe une telle variété de couleurs, de tailles et de dimensions qu’on se demande parfois comment toutes ces pierres peuvent faire partie d’une même famille, » déclare Ellis Mhairi Cameron, les yeux brillants. « Je ne prévois pas de m’en lasser un jour ! » La bijoutière écossaise nous accorde cet entretien dans son atelier londonien. Elle désigne un plateau sur lequel se trouvent des solitaires et nous explique que les diamants de ces bagues vont de l’orange vif au gris ardoise, en passant par le vert et le rouge ; lui rappelant la terre, les roches et le gazon des highlands écossais.
Depuis qu’elle a lancé sa marque en 2018, Ellis Mhairi Cameron a acquis une clientèle dévouée en raison de l’originalité de ses créations en or jaune 14 carats et en diamants naturels. Son sertissage caractéristique, devenu sa signature, lui permet d’enfouir les pierres à ras du métal, de sorte qu’elles émergent, scintillant à la lumière, comme des trésors cachés. « Fabriquer des bijoux est ma manière, à moi, de communiquer et de traduire mes émotions et mes idées, » explique-t-elle. Il est vrai que l’or texturé de ses bijoux évoque les terrains escarpés et les côtes accidentées de son pays.
Cameron a grandi dans un petit village près d’Oban, au nord-ouest de l’Écosse avec sa mère, institutrice, et son père, mécanicien. Elle a « appris par la pratique, dans la nature, en faisant beaucoup de collage et de bricolage, » et passait des heures à observer son père réparer des voitures – « les étincelles, les flammes et les chalumeaux sont hypnotisant à tout âge, n’est-ce pas ? » Après le lycée elle est allée étudier la joaillerie à la célèbre Glasgow School of Arts, où elle a découvert le moulage à la cire : « J’ai su alors que c’était la technique qui me correspondait. Elle me permettait de réaliser des choses plus complexes et plus précises qu’avec du métal. » Elle a ensuite suivi un master en création de bijoux à la Central Saint Martins Art & Design School de Londres. C’était l’occasion d’explorer les moyens de mettre en avant son héritage écossais, et de développer un récit et une identité pour sa marque et ses créations.
De l’Écosse aux États-Unis, en passant par Londres, où elle fabrique elle-même ses bijoux avec une petite équipe d’artisans. Elle a tâté le terrain outre-Atlantique 18 mois seulement après avoir lancé sa marque, qui est aujourd’hui présente dans 15 bijouteries indépendantes à travers le pays. « Les gens achètent gros aux États-Unis, » me dit-elle, en évoquant les bagues en bouclier de diamants aux proportions généreuses et les grosses bagues en diamants taille baguette dont ses clients américains raffolent.
Cameron se décrit comme quelqu’un qui est « avide de créer » et est obnubilée par le maintien de ses compétences et le développement de nouvelles. L’inspiration peut venir de n’importe où, « d’une brindille de forme étrange dans un parc londonien, ou d’une feuille dont j’associerai la couleur à celle d’un diamant. Je réalise aussi des mood boards qui sont remplis de photos des highlands, de textures terreuses et de gros plans de rochers. » Elle réalise aussi ses idées à travers des esquisses, des croquis et des sculptures en cire ; avant de les couler dans une base en métal et d’expérimenter la texture.
L’expression la plus frappante de son histoire est la récente collection Legacy, qui est basée sur des objets médiévaux trouvés sur les terres de sa famille en Écosse. Ellis Mhairi Cameron s’est rendue à la ferme de ses grands-parents avec des spécialistes de la détection de métaux en avril 2023, pour voir ce que la terre pourrait révéler. « Nous espérions seulement trouver quelques veilles pièces de monnaie, et nous avons trouvé bien plus. »
D’un minuscule pot d’apothicaire datant de 1503 à un médaillon et une broche, tous datés indépendamment, « le volume et l’étendue des trouvailles étaient incroyables. » Ce butin l’a amenée à réfléchir à son histoire personnelle : « Quel genre d’objets mes ancêtres portaient-ils ? Certains de ces objets ont-ils été portés par un chef de clan ou par quelqu’un qui cherchait à envahir mes ancêtres ? »
QUEL GENRE D’OBJETS MES ANCETRES PORTAIENT-ILS ? CERTAINS DE CES OBJETS ONT-ILS ETE PORTÉS PAR UN CHEF DE CLAN OU PAR QUELQU’UN QUI CHERCHAIT A ENVAHIR MES ANCETRES ?
Dans ses bijoux contemporains, Ellis Mhairi Cameron fait référence aux détails des objets venant des fouilles. Un collier retrouvé a inspiré le design d’une bague, et la façon dont certaines pièces ont été trouvées dans la terre a donné lieu à différents arrangements de diamants. Tous ces accords ont été réalisés dans des tons lumineux qui capturent l’excitation de la découverte. Des diamants jaune citron taille baguette se côtoient, enfouis dans l’or, tandis que des diamants blancs taille ancienne sont nichés dans des boucles d’oreilles. Ellis Mhairi Cameron envisage de fabriquer des poignards écossais traditionnels, riches en gravures et en pierres précieuses, qui seront enterrés pour que les générations futures puissent les redécouvrir.
La découverte la plus importante faite par l’équipe est une épingle du clan Cameron, ornée d’un bras tendu portant une lance. L’inscription en gaélique lit « Nous venons avec des armes » ce qui, pour Ellis Mhairi Cameron, « en dit long sur la résilience de mes ancêtres. Se plonger dans leur histoire a suscité une réflexion profonde et un véritable enthousisame. La collection Legacy est un hommage à mes racines et à mon héritage. » La collection rend également hommage à son esprit de conquête, qui s’exprime à travers une esthétique audacieuse et une identité marquée, nées de la tourbe de son pays natal.