Une Brève Histoire de l’Inde en 10 Diamants Naturels
Ces joyaux rares et naturels ont été à l’avant-garde de l’évolution du pouvoir en Inde et de sa prédominance sur la scène mondiale.
L ’Inde fut le seul fournisseur mondial de diamants rares jusqu’au 18ème siècle. Les légendaires mines de Golconda ont produit certains des diamants les plus précieux de tous les temps, témoins d’événements majeurs qui ont changé le destin du pays.
L’histoire énigmatique du diamant d’Agra
Au 16ème siècle, le diamant rose d’Agra, aurait été acquis par Babur après la conquête de la ville d’Agra en 1526. On dit qu’il portait la pierre précieuse dans son turban, avant de la léguer à son fils Humayun. La pierre d’Agra, brillamment taillée, a changé plusieurs fois de mains jusqu’à ce qu’elle trouve sa place actuelle dans la prestigieuse collection Al Thani. Étonnamment, Babur ne fait aucune mention du diamant rose d’Agra dans ses mémoires. Il parle plutôt d’un diamant, d’un poids de huit mishkal, d’une valeur de « deux jours et demi de nourriture pour le monde entier. » Il ne fait guère de doute que ce diamant étincelant n’était autre que le Koh-i-Noor (montagne de lumière). Après avoir été emporté en Perse par Nader Shah, serti sur le trône de paon de Shah Jahan, le diamant a traversé les empires perse, afghan et sikh avant que les colons britanniques n’en fassent l’acquisition. Le Koh-i-Noor est aujourd’hui au centre d’une polémique anticoloniale et la sensibilité diplomatique qui l’entoure explique peut-être son absence lors du récent couronnement du monarque britannique Charles III.
Les diamants Arcot, un Cadeau du Nawab à la Reine Charlotte
Le diamant Koh-i-Noor ne fut pas le seul diamant à quitter l’Inde. Des souverains indiens, désireux d’obtenir les faveurs des britanniques, offraient régulièrement des cadeaux magnifiques à la couronne d’Angleterre. Le Nawab d’Arcot, Mohammad Ali Khan Wallajah, qui régna de 1752 à 1795, est connu pour la richesse des cadeaux qu’il offrit au Roi et à la Reine d’Angleterre. Parmi les nombreux cadeaux offerts par le Nawab à la Reine Charlotte, reine consort du roi George III, figuraient deux pierres précieuses brillantes en forme de poire, connues sous le nom de diamants Arcot I et Arcot II. Les diamants Arcot ont été vendus séparément après la mort de la Reine Charlotte. L’Arcot II, légèrement retaillé et pesant 17,21 carats, faisait partie de la collection Al Thani avant d’être vendu aux enchères chez Christie’s en 2019 pour la somme astronomique de 3 375 000 dollars.
Le Fabuleux Diamant Huma
La Reine Charlotte a reçu un autre trésor incomparable de l’Inde : l’Huma à longue queue. Un oiseau de paradis mythique incrusté de diamants éblouissants, qui était initialement perché sur le dais du trône de Tipû Sultan, souverain de Mysore. Tipû était considéré comme la plus grande menace pour la Compagnie britannique des Indes orientales jusqu’à sa défaite et sa mort en 1799. Peu après leur victoire, les forces britanniques ont mis à sec le trésor de Tipû et les ornements de son magnifique trône furent distribués, marquant ainsi la consolidation symbolique du pouvoir britannique en Inde. L’étincelant Huma a été présenté à la Reine Charlotte par Henry Dundas, secrétaire d’État à la guerre.
Cependant, les changements de fortune des rois et des dynasties n’ont pas seulement entraîné l’exode des pierres précieuses. De nombreux diamants naturels exceptionnels sont également arrivés dans le pays. Lorsque les souverains indépendants sont devenus des « princes indigène » sous la domination coloniale britannique, les rois Indiens ont cherché à renforcer leur position en faisant étalage de leurs richesses.
La Fierté de Baroda : L’Étoile du Sud
Prenez, par exemple, la Maison Royale des Gaekwads de Baroda qui adorait le luxe et l’opulence. L’une des plus grandes fiertés des Gaekwads de Baroda était le diamant magnifique Étoile du Sud. Une pierre d’un éclat extraordinaire découverte dans les mines de Mina Gerais, au Brésil. Le diamant a finalement été monté sur un éblouissant collier de diamants à trois niveaux. Plus tard, il a atterri dans la collection privée de Rustomjee Jamsetjee de Mumbai, qui l’aurait vendu à la marque de luxe française Cartier en 2002.
Cartier était autrefois en effet le favori des maharajas indiens qui avaient un goût pour l’esthétique occidentale. Le Maharaja Bhupinder Singh de Patiala était l’un de ces rois. Dans les années 1920, il a demandé à Cartier de lui créer un collier de cérémonie. Le résultat fut un collier Art déco, à cinq niveaux, incrusté de 2930 diamants. En 1948, le collier a été volé. Il a refait surface des décennies plus tard, en morceaux, dans une maison de vente aux enchères à Londres, où Cartier l’a acheté et l’a reconstitué. Même si le collier n’existe plus dans sa forme originale, il reste pour beaucoup, un symbole de la puissance, de la richesse et de la passion de la royauté indienne pour un style européen.
Alors que les maharajas du 20ème siècle commandaient des bijoux à des maisons telles que Boucheron et Cartier pour satisfaire leur esthétique européenne, d’illustres joailliers locaux créaient des chefs-d’œuvre pour les membres de la famille royale, non seulement en Inde, mais aussi dans le monde entier. Prenons l’exemple de la famille Kasliwal de l’emblématique Gem Palace de Jaipur, dont les bijoux ont orné le monde entier, de Jackie Kennedy et Oprah Winfrey à Mick Jagger et Angelina Jolie.
L’Incroyable Histoire du Gem Palace
L’héritage historique du Gem Palace s’étend sur 173 ans, et atteint son apogée grâce au joaillier Munnu Kasliwal. Son génie s’est manifesté à une époque où l’Inde était au bord d’un grand changement. Dans les années 1990, alors que l’Inde ouvrait ses portes et ses aspirations au monde, Munnu, avec son flair singulier et ses colliers étonnants, conçus pour être associés à des t-shirts, semblait représenter l’esprit de cette période de transition. Une pièce en particulier a capturé ce moment de changement. L’emblématique sarpech ou turban de Kasliwal, réalisé dans un motif floral complexe, incrusté de diamants polki. L’aigrette kalgi amovible peut être portée en broche ou en pendentif, tandis que les cinq panneaux au décor de feuilles peuvent être portés à la fois comme bijou de turban et comme collier.
Les Joyaux Santi : Conserver l’Héritage Flamboyant de l’Inde
Le fait que Jaipur ait fait connaître l’artisanat indien au monde entier est attesté par de nombreux joailliers dont les ateliers sont de renommée mondiale. Parmi eux, Santi Choudhary, bijoutier de la 9e génération, et son fils et héritier, Krishna Choudhary. Chez Santi Jewels, Krishna a élaboré des designs résolument modernes, mais empreints du passé étincelant du pays. L’une de ses pièces les plus étonnantes est un collier composé d’un pendentif en forme de lotus avec six spinelles moghols Laldi et deux diamants Golconda, qui imite l’antique bazuband (brassard médiéval). Discrète et sophistiquée, cette pièce réhabilite l’héritage indien et propose de nouvelles aspirations modernes.
Viren Bhagat : Faire le Lien entre le Passé et le Présent
Parmi les stars du 21ème siècle de l’industrie diamantaire indienne, un nom sort du lot. Viren Bhagat, l’un des plus grands joailliers indiens, est le seul à figurer dans la prestigieuse collection Al Thani. Bhagat est surtout connu pour son ingéniosité à marier l’ancien au contemporain. L’une de ses pièces emblématiques est une broche en diamant et émeraude, ornée de diamants ronds et poires taille rose et taille ronde, ainsi que d’une émeraude. La broche est conçue d’après le motif du pot de fleurs moghol et elle est le fruit d’une série d’influences allant de la nature à l’art européen classique. Cette pièce remarquable a été vendue pour 399 000 dollars lors de la vente aux enchères « Maharajas & Mughal Magnificence » de Christie’s en 2019.
Bvlgari et les Nouveaux Rois
Si les rois et les reines appartiennent au passé, le 21ème siècle compte des personnages royaux d’un autre genre. Et si l’on en croit la liste des « nouveaux rois » établie par W Magazine, l’actrice indienne Priyanka Chopra Jonas fait partie de cette catégorie. Lors du récent Met Gala, Chopra, nommée ambassadrice mondiale de Bvlgari il y a quelques années, portait un superbe collier en diamants, orné du légendaire diamant Laguna Blu de Bvlgari datant de 1970. Le diamant naturel bleu vif de 11,16 carats, considéré comme une pièce ultra rare, a été vendu aux enchères pour un peu plus de 25 millions de dollars chez Sotheby’s à Genève, devenant ainsi le diamant le plus précieux jamais vendu par l’emblématique maison romaine de haute joaillerie. Bien que le Laguna Blu ne soit pas indien, il marque un moment intéressant pour le pays. Priyanka Chopra n’est pas seulement une célébrité mondiale, mais aussi une représentante importante de l’Inde moderne. Le diamant bleu étincelant de Chopra coïncide parfaitement avec un moment de l’histoire où l’Inde est prête à s’imposer sur la scène mondiale grâce à ses ambassadeurs multiculturels.