L’Histoire de la Taille de Diamant

Explorez l’histoire captivante de la taille des diamants naturels, de l’Inde antique aux innovations modernes.

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Joseph Asscher travaillant sur le diamant Cullinan, le Diamant Sancy et le livre Diamond Design, 1919.


Depuis leur découverte, les diamants naturels ont captivé l’humanité par leur solidité inégalée et leur beauté mystérieuse. Leur extrême résistance au façonnage et au polissage les a imprégnés de folklore et de superstition. Il a fallu des milliers d’années pour que l’homme mette au point les premières techniques de taille du diamant.


Des textes historiques nous apprennent qu’au VIème siècle, les lapidaires indiens et les joailliers islamiques utilisaient la poussière de diamant pour polir d’autres pierres précieuses, mais que les diamants eux-mêmes ne pouvaient pas être taillés. Un texte indien du XIIIème siècle, intitulé L’Agastimata, est le premier à mentionner la taille du diamant : « Le diamant ne peut être taillé à l’aide de métaux et d’autres pierres précieuses, il résiste également au polissage ; le diamant ne peut être poli qu’au moyen d’autres diamants. » Le célèbre historien de la bijouterie Jack Ogden rapporte avoir vu des bijoux islamiques du XIIIème siècle contenant de simples diamants taillés en table. Il s’agirait probablement des premiers diamants taillés connus, marquant le début de l’histoire de la taille du diamant. 


Bague romaine en diamant brut, De Clercq, III ou IVème siècle. Les Enluminures. 


Bien que les Romains aient utilisé les diamants dès l’an 100 avant notre ère, ils ne pouvaient utiliser que des diamants bruts ou non taillés. Le philosophe romain Pline a décrit les diamants comme le plus précieux de tous les biens dans son livre Naturalis Historia en 79 après J.-C. Les preuves historiques suggèrent qu’ils n’avaient probablement accès qu’à des cristaux de diamant imparfaits, car l’Inde, seule source de diamants jusqu’au XVIIIème siècle, réservait les meilleurs pour son marché national. Avec le déclin de l’Empire romain, les diamants ont disparu de la bijouterie européenne, faute de marchands romains qui les ramenaient d’Inde. Cependant, les diamants sont restés très populaires dans les cultures indiennes et islamiques.


En Europe, la taille du diamant a débuté à Venise vers 1330, suite à l’ouverture des premières routes commerciales vers l’Orient depuis la chute de l’Empire romain. Les marchands vénitiens avaient désormais accès aux diamants et il est probable qu’ils aient également appris les techniques de taille rudimentaires pratiquées par les marchands islamiques et qu’ils les aient apportées à Venise. Bien que les cristaux de diamant de forme parfaite soient encore rares en Europe, on pourrait penser que leur absence est justement la raison pour laquelle les Européens ont commencé à tailler les diamants et à faire progresser les techniques.

Tudor table cut diamond ring, circa 1485-1603. (Courtesy of Berganza)
Tudor table cut diamond ring, circa 1485-1603. (Courtesy of Berganza)


L’avènement du mouvement rotatif continu dans les outils au cours du XVème siècle a révolutionné la taille des diamants en dépassant le simple polissage superficiel des cristaux bruts et en « clivant » ou en brisant le diamant le long de ses points les plus faibles. Cette innovation a permis aux tailleurs de broyer plus efficacement les facettes des diamants, élargissant ainsi les possibilités de création. La conquête de Goa par les Portugais en 1510, devenu le principal port diamantaire de l’Inde, a permis à l’Europe d’accéder pour la première fois à des diamants de haute qualité.


Le centre économique de l’Europe s’est déplacé vers la mer du Nord, ce qui a entraîné le développement des premières communautés de tailleurs de diamants à Paris, Bruges et Anvers. Les tailleurs étaient pour la plupart juifs, car c’était l’une des rares professions dont l’exercice ne leur était pas interdit à l’époque. La fin du XVème siècle, marque le véritable début de l’art de la taille du diamant. Au XVIème siècle, on est passé du simple polissage au véritable facettage, ce qui a conduit à la création de nouvelles tailles. Les pierres rectangulaires plus longues précèdent la taille baguette, et les tailles les plus populaires sont des versions plus raffinées de la taille en table et de la taille en pointe. De nombreuses tailles antérieures ont également reçu des facettes supplémentaires pour améliorer leur apparence.


Anneau de mariage avec un cœur en diamant taille rose, serré entre deux mains émaillées. Elle porte l’inscription « Dudley et Katherine unis le 26 mars 1706 ». (Avec l’aimable autorisation du Victoria and Albert Museum)


La taille rose est apparue au cours de cette période et a gagné en popularité grâce à son fond plat et à sa couronne couverte de facettes en forme de diamant. Les tailleurs belges et hollandais se sont spécialisés dans cette taille, transformant les morceaux de pierre les plus fins en la nouvelle taille rose standard. Au fur et à mesure que sa popularité grandissait, la taille rose a évolué, la forme du dôme devenant plus haute afin de s’adapter à des pierres plus volumineuses.


Simultanément, la taille des diamants en Inde a également évolué. Les techniques indiennes, bien qu’elles diffèrent en termes de matériaux et de méthodes – comme l’utilisation du bois par rapport à l’acier – présentaient des similitudes avec les pratiques européennes. La taille moghole s’est imposée entre le XVIème et le XVIIIème siècle, caractérisée par une large base plate, une forme organique et un ensemble de petites facettes. Contrairement à la plupart des diamants taillés en Occident, la taille moghole suit la forme du diamant brut et il est préférable de la considérer comme un style plutôt que comme une forme spécifique. 


Un exemple d’un diamant de taille moghole. Le diamant Orlov de 189,62 carats présent sur le spectre impérial russe. (Avec l’aimable autorisation d’Elkan Weinberg). 


Le XVIIème siècle fut porteur de nouvelles visions en matière de diamants. Les opulents dîners aux chandelles de l’époque exigeaient plus de brillance, ce qui a conduit au développement de la taille brillant. Les premières variaient en fonction de la matière brute à partir de laquelle elles étaient façonnées. La taille brillant se caractérisait par un design en pavillon, où la majeure partie du poids se trouvait dans la partie inférieure de la pierre, ce qui permettait à la lumière de revenir vers le sommet et donnait au diamant l’éclat caractéristique que nous lui connaissons aujourd’hui. Ce style pavillonnaire est aujourd’hui à la base de la plupart des tailles modernes.

Un exemple précoce de taille brillant, vers 1600. Le diamant Sancy de 55,23 carats, conservé au Louvre, à Paris.
Un exemple précoce de taille brillant, vers 1600. Le diamant Wittelsbach de 35,56 carats. (Getty Images)


La taille Mazarin, inventée par le Cardinal Mazarin au milieu du XVIème siècle, était la première véritable taille brillant avec 17 facettes en couronne. La taille Peruzzi, développée dans les années 1700, a amélioré la taille Mazarin et comporte désormais 33 facettes en couronne. Cette taille était connue sous le nom de taille triple. Comme la taille Mazarin, la taille Peruzzi était en forme de coussin et a servi d’inspiration pour la taille ancienne.


Le roi de France Louis XV a commandé la taille marquise au milieu du XVIIIème siècle pour refléter la forme de la bouche de sa maîtresse, la marquise de Pompadour. Cette taille et d’autres représentent des variations de la taille brillant adaptées à différentes formes brutes. Malgré ces innovations, les tailles table, pointe et rose sont restées courantes jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, lorsque les diamants provenant d’Inde se sont raréfiés et que les anciennes tailles ont commencé à être retaillées en masse pour obtenir un maximum d’éclat. C’est la raison pour laquelle si peu de diamants taillés avant cette période existent encore dans leur forme de taille originale.  

Diamond Cut Evolution


Alors que les mines de diamants indiennes commençaient à s’épuiser, les premiers diamants brésiliens ont été découverts au début du XVIIIème siècle. La région fut baptisée, à juste titre, Diamantina. Dès 1730, la production de diamants brésilienne était consolidée et régulière. Au cours du XVIIIème siècle, des mineurs individuels ont découvert de nombreux petits gisements dans tout le Brésil, ce qui a considérablement augmenté l’offre mondiale de diamants bruts. Les diamants, autrefois réservés à la noblesse européenne, sont devenus accessibles à un public plus large, ce qui a entraîné l’essor de l’industrie de la taille du diamant. C’est également à cette époque que la taille ancienne européenne, une évolution de la taille Peruzzi, s’est imposée.


L’essor d’une classe moyenne plus riche en Europe et aux États-Unis, au cours du XIXème siècle, a entraîné une hausse de la popularité des bijoux en diamants. Toutefois, une diminution de l’offre brésilienne, au milieu du siècle, a provoqué une hausse des prix des diamants et les centre de taille ont dû faire face à des difficultés, plus particulièrement à Anvers, Londres et Amsterdam. 


Des tailleurs de diamants, à New York, dans les années 1870.

La découverte du diamant Eureka par un jeune sudafricain de 15 ans, en 1867, a marqué un tournant dans l’histoire de l’industrie du diamant. Cette découverte marque le début de la ruée vers le diamant en Afrique du Sud. Elle a également relancé les industries néerlandaise et belge de la taille du diamant et fourni des diamants à un moment où il semblait que l’offre mondiale était épuisée.  

La ruée vers le diamant sudafricain, a engendré d’importantes innovations dans la taille de diamant. La machine de débrutage, inventée au début des années 1870, a permis de réaliser les premières tailles brillant véritablement rondes, connues sous le nom de taille ancienne européenne. La scie à diamant motorisée, inventée par un Belge en 1900, a révolutionné le façonnage des diamants. Un tailleur américain, Henry Morse, a perfectionné la taille ronde et brillante en utilisant les principes scientifiques de la réflexion de la lumière. Plus tard, Marcel Tolkowsky publia l’ouvrage phare sur la taille du diamant, établissant la taille brillante que nous connaissons aujourd’hui.

Diamond Design, 1919. 
Diamond Design c. 1919


En plus de leur permettre de perfectionner la taille ronde brillante, les nouvelles innovations ont permis aux maîtres tailleurs du XXème siècle, d’innover et de créer de nouvelles tailles comme la taille Asscher, créée par Joseph Asscher en 1902. Cette taille fut la première taille de diamant brevetée. Les tailles les plus connues comme l’émeraude, l’ovale, la princesse et le radiant sont également apparues au cours du XXème siècle. Les ateliers de taille européens, où tant d’innovations ont eu lieu au cours des 400 dernières années, étaient majoritairement détenus et exploités par des juifs. Malheureusement, ils furent dévastés pendant la seconde guerre mondiale et ne se sont jamais complètement rétablis. Cependant, avec l’aide des immigrants et des réfugiés juifs, de nouveaux centres ont vu le jour ailleurs, notamment en Israël et en Inde. Aujourd’hui, l’Inde est le premier pays au monde en matière de taille de diamants, ce qui semble tout à fait approprié pour le pays où les diamants furent découverts et taillés pour la première fois.

Joseph Asscher travaillant sur le Cullinan
La taille Royal Asscher

L’histoire de la taille des diamants est une histoire d’innovation, d’art et de résilience. De l’Inde à Venise et au-delà, l’éclat et la beauté des diamants naturels, façonnés par des siècles d’artisanat, continuent de captiver et de faire vivre des millions de personnes.