Mathilde Perney, du Gouaché au Bijou en Diamant Naturel
Mathilde Perney accueille ses clients particuliers dans son atelier de la place Vendôme, à Paris. A partir de leur propre histoire, elle réalise des bijoux uniques, reflets de son savoir-faire dans l’art joaillier d’exception.
Chevalière en or blanc diamants et saphir bleu, entièrement ajourée inspirée des dentelles. Pièce unique. ©Mathilde Perney
Only Natural Diamonds : Comment votre parcours dans la joaillerie a-t-il commencé ?
Mathilde Perney : J’ai toujours eu un penchant pour la joaillerie et pour l’artisanat d’une manière générale, cela date de l’enfance. J’avais envie de faire quelque chose de mes mains. Je dessinais beaucoup, j’ai eu beaucoup de chance d’avoir un environnement familial passionné par les vieilles pierres et l’histoire de l’art. Je me suis retrouvée à passer le concours de l’Ecole Boule (Ecole Supérieure des Arts appliqués de Paris), j’avais 16 ans et je l’ai eu tout de suite. J’ai gagné du temps en commençant à travailler jeune, j’ai donc ouvert ma propre maison de joaillerie à 25 ans. .
« CHAQUE BIJOU FABRIQUÉ DANS MON ATELIER QU’IL SOIT DESTINÉ A UNE COMMANDE SPECIALE OU A ENRICHIR MES PROPRES COLLECTIONS, EST NÉ D’UNE EMOTION »
OND : A quel moment avez-vous eu l’idée de créer votre propre maison de joaillerie ?
MP : Après l’Ecole Boulle, j’ai travaillé pour un sous-traitant de la place Vendôme qui fabriquait de très belles pièces pour les grandes Maisons parisiennes, ce n’était que des pièces uniques et c’était beaucoup d’objets.
J’ai appris ce que signifie le mot haute joaillerie en travaillant pour ces grandes maisons: l’excellence à travers les matériaux les plus rares, sublimés entièrement par la main de l’artisan.
Après cette expérience je ne souhaitais qu’une chose: ouvrir ma propre maison de joaillerie et proposer des bijoux et objets avec cette même exigence à mes clients particuliers.
Ce savoir-faire qu’on m’a transmis est précieux, et pour le perpétuer, je fabrique mes pièces moi-même, et à la main. Je n’utilise pas la CAO.
Mes clients sont sensibles à cette éthique. Tout comme ils sont sensible à l’art ou l’artisanat.
Mes bijoux sont entièrement travaillés à la main : du gouaché jusqu’au sertissage évidement puis au poli final, tout est fait à la main.
OND : Quelles sont les sources d’inspiration qui vous poussent à créer vos pièces ?
MP : On peut dire que mes années au service de la haute joaillerie des grandes Maisons me servent aujourd’hui de fondation.
Je crée des pièces uniques en m’inspirant des classiques à l’élégance intemporelle, que je réchauffe à grand renfort de mouvement, de formes et de couleurs évocatrices . Ainsi j’espère susciter le dialogue autour de mes bijoux à la croisée des chemins de l’art et de l’artisanat.
Pour cela je me sers de techniques et de matériaux rares, ultra précieux dont les formes sont impossibles à reproduire à grande échelle.
J’aime travailler les tailles anciennes, cela oblige à avoir une monture faite complètement à la main parce que les formes sont souvent aléatoires, les culasses un peu grosses ou un peu petites. Mais moi j’aime bien cette irrégularité. Ce n’est pas pour rien que l’on a aujourd’hui autant de bijoux anciens qui reviennent dans les boutiques. Les gens sont sensibles à cette beauté du bijou fait à la main.
Dans la bague couronne composée de saphirs roses taille ancienne et de diamants naturels, les diamants viennent rehausser l’éclat des saphirs roses : on a quelque chose des vitraux d’une cathédrale quand on regarde ces saphirs, la forme qu’ils ont et leur couleur.
OND: En quoi les diamants naturels sont-ils importants pour la création de vos bijoux ?
MP : En plus d’être noble et extrêmement précieux, le diamant est la pierre qui traverse le mieux les générations car il est inaltérable. En plus de toutes ses qualités et de sa beauté sans pareil, le diamant naturel est un investissement de choix… à condition de bien le choisir ; pour cela mes clients me font confiance.
« AVEC LEUR PROPRE HISTOIRE J’AI ENVIE DE FAIRE QUELQUE CHOSE DE TRÈS BEAU. »
OND : Vous travaillez sur commande spéciale, comment cela se passe t’il le plus souvent ?
MP : Je reçois mes clients sur rendez-vous. Il leur arrive de venir en famille, lorsqu’il s’agit d’un projet de bague de fiançailles. J’aime particulièrement lorsqu’il viennent avec leur pierre de famille – très souvent un diamant – car ils me racontent leur histoire ou celle de la pierre souvent chargée de souvenirs et d’émotions. Avec leur propre histoire j’ai envie de faire quelque chose de très beau. Par la suite je leur propose un second rendez-vous dans lequel ils découvriront le gouaché .
Et souvent ils sont très agréablement surpris, l’effet du gouaché est incroyable auprès des clients. Il s’agit pour moi de dessiner le bijou en veillant à ce que chaque détail soit présent, et de le peindre aux couleurs et reflets les plus réalistes possible. C’est magique… ça sacralise le bijou. Sur la base de ce gouaché les clients peuvent se projeter. Ils me font confiance, je me dois après ça, quand la commande est validée, de fabriquer un bijou qui correspond très exactement au gouaché.
OND : Vous commencez la réalisation du bijou, quelles sont les différentes étapes ?
MP : Il arrive qu’avec le gouaché j’ai pu trouver quelques pierres, des pierres particulières avec des formes très spécifiques pour que le client se rende compte dans quoi on se lance. Je prends des pierres en confié et je leur présente les pierres en même temps que le gouaché. C’est toujours agréable pour le client de voir les pierres en amont ; moi cela me permet de leur expliquer ma manière de travailler, c’est le moment où je peux parler de la qualité des pierres, de leur provenance, du fournisseur aussi, de la confiance que j’ai dans mes fournisseurs. Tous ces aspects les clients s’en rendent moins compte une fois que la pierre est montée…
Je commence la réalisation.
Je fais appel à mon diamantaire pour garantir la tracabilité et la qualité de mes diamants.Puis j’achète les métaux précieux à des sociétés françaises qui me fournissent seulement de l’or recyclé made in France.
Par la suite je fabrique entièrement à la main ma monture et le sertisseur prend le relais pour sertir les pierres.
OND : Comment sourcez-vous les diamants qui vont composer vos bijoux ?
MP : Je passe par les diamantaires de la place Vendôme qui sont dans ce commerce depuis des années et des années, parfois même de père en fille. Ils ont des belles matières, ils ont l’habitude de travailler pour du très beau, de la très belle qualité, je leur fais confiance à tous les niveaux. Pour que nos clients nous fassent confiance, on a besoin de faire confiance à nos fournisseurs. Ils ont toutes les accréditations, ils sont contrôlés régulièrement.
OND : A quel type de femmes selon vous s’adresse une bague tout en diamants ?
MP : La femme qui choisit le bijou tout diamant, c’est une cliente assez jeune qui va se marier. C’est la femme d’une trentaine d’années, c’est elle qui va craquer pour la bague entièrement en diamants ou le collier de diamants ; les femmes plus mures osent davantage l’association des diamants avec des pierres de couleur, les gros volumes…
OND : Quelle histoire voulez-vous raconter à travers vos propres créations ?
MP : Il y a des aller-retours permanents entre mes créations et les commandes spéciales. Avant de dessiner mes pièces je rencontre mes diamantaires, mes gemmologues, ils me présentent des pierres. Dès que j’ai un coup de cœur pour une pierre, je la mets de côté, je la garde un petit peu, je dessine autour puis je finis par l’acheter pour pouvoir fabriquer ma monture. C’est comme ça que je construis ma collection sachant que chaque pièce est unique, je tiens à y apporter une touche vraiment spéciale. Cela fait écho à mon travail pour les commandes spéciales, les deux se font en miroir : c’est parce que vous avancez sur vos réflexions sur vos créations personnelles que vous êtes force de proposition pour les commandes spéciales ; et inversement je suis très à l’écoute de mes clientes parce que c’est elles qui me montrent la tendance aussi. Les deux façons de travailler se nourrissent.
OND : Avez-vous le sentiment de contribuer à la préservation des savoir-faire français dans la haute-joaillerie ?
MP : Oui je l’espère, en tout cas je fais tout pour…
OND : Quel est le diamant le plus incroyable que vous ayez été amenée à travailler ? La bague en diamants dont vous êtes la plus fière ?
MP : La bague en diamants avec le diamant central de 6 carats. La cliente m’a laissé carte blanche pour la fabrication, et j’ai donc pu, tout en respectant ses goûts, lui faire un bijou comme je l’imaginais. Cette confiance que je trouve incroyable après coup et qui se crée rapidement ente les clients et moi : ils me font confiance, je n’ai pas le droit de les décevoir, je mets la barre très haut dans la qualité de la fabrication, mais dans la qualité de la création aussi.
OND : Quel est le souvenir le plus original, inattendu que vous avez eu ? Quelle histoire d’amour la plus surprenante ?
MP : Les gens viennent toujours pour une belle nouvelle, un évènement heureux, un accomplissement. Je n’ai pas une histoire en particulier car chaque rencontre est unique.
Je ne leur montre pas de photos des étapes de la fabrication, je pense qu’aujourd’hui c’est important de créer de l’attente. Savoir attendre quelque chose ça rend le moment unique. Les gens qui recherchent des bijoux sur mesure recherchent aussi l’expérience d’un moment un peu unique dont ils se souviendront avec ce contact, cette rencontre avec le bijou.
OND : Vous avez un partenariat avec une boutique aux USA ?
MP : Mes créations personnelles sont vendues chez Just One Eye à Los Angeles. C’est un point de vente qui fait de très beaux évènements, la sélection est très pointue, ils aiment les créateurs ; c’est très intéressant de travailler avec eux. C’est très intéressant de travailler avec les USA : en termes de créativité, les Américains se permettent plus de couleur, plus d’extravagance…une certaine forme d’audace. Les clientes américaines aiment l’aspect historique, elles vont reconnaitre un bijou de style renaissance, un aspect qui va leur rappeler les motifs d’une cathédrale, un motif de vitraux… Elles apprécient mes collections. Elles recherchent avant tout l’authenticité du savoir-faire français, l’histoire de l’objet.
OND : Avez-vous déjà réalisé des bijoux pour hommes ?
MP : Oui, des bracelets rigides en commande spéciale pour des hommes sensibles au détail, à l’art joaillier.
OND : Quelle est la bague que vous auriez aimé avoir réalisée ?
MP : La bague de ma grand-mère : un Napoléon en or monté sur une monture ancienne qui date des années 40 ; cette bague a sa petite histoire et cela lui donne encore plus de charme. Donc mon 1er contact avec le bijou c’était un bijou ancien… peut-être que ça a contribué à mon goût des bijoux faits à la main.
Mathilde Perney reçoit dans son atelier sur rendez-vous.