Le Voyage au Botswana de la Créatrice de Bijoux, Thelma West
Je suis créatrice de bijoux depuis plus de 20 ans. J’aime ce que je fais. Je crée de magnifiques pièces uniques avec des diamants naturels pour des collectionneurs exigeants du monde entier. Mais mon parcours dans l’industrie n’a pas toujours été des plus agréables. Une fille de Lagos (Nigeria) sans réseau essayant de se frayer un chemin dans un monde complètement nouveau au sein d’un pays étranger devait forcément rencontrer des difficultés. De fait, les histoires désagréables ne manquent pas. Mais lorsque j’ai commencé mon initiation dans cette industrie, je n’étais pas seulement jeune, j’étais aussi une rêveuse obstinée. Je me suis rendu compte que j’étais très douée pour tirer parti d’une situation difficile et l’utiliser comme un carburant, qui s’est transformé en passion. Oui, j’ai beaucoup de passion pour les bijoux pleins d’âme et pour les pierres précieuses elles-mêmes.
Mon parcours a été facilité par d’autres types de « trésors » que j’ai rencontrés. Je veux parler de mes clients qui sont incroyables, qui ont choisi de s’adresser à moi pour réaliser un bijou qui correspond à leur histoire et à leur style, et qui apprécient vraiment le savoir-faire artisanal qui entre dans la composition de mes bijoux. Il y a aussi les professionnels de la bijouterie désintéressés qui choisissent d’être gentils, à l’écoute et de faire preuve de bon sens quand j’en ai le plus besoin. Et bien sûr, les endroits qui ne cessent de me surprendre et qui occupent une place très spéciale dans mon cœur.
Le Botswana est l’un de ces joyaux uniques. Pays enclavé étonnant, l’un des plus grands producteurs de diamants naturels, le Botswana est doté de ressources naturelles qu’il a utilisées pour assurer sa croissance économique. Des investissements incessants dans les soins de santé, l’éducation et les infrastructures ont permis à la population du Botswana de bénéficier d’un système de santé développé, d’un enseignement de haute qualité et d’installations fonctionnelles. Le pays a fait tout cela en protégeant l’environnement, mais en assurant également la protection des animaux sauvages et de la nature ; c’est une source supplémentaire de fierté nationale.
C’est pourquoi, lorsque Forbes m’a invitée à prendre la parole lors de son sommet 30Under30 à Gaborone, j’ai été ravie. J’y suis allée pour parler de mon point de vue sur l’industrie minière au Botswana, un pays qui recèle de multiples trésors inouïs.
Le jour de mon arrivée, j’ai été parachutée dans un groupe de discussion intitulé Mining Minds On The State of Gem Entrepreneurship. L’échange d’idées avec mes impressionnants co-panelistes – Naseem Lahri et Olivia Landau – s’est déroulé à un rythme très rapide et a été très engageant. Le point principal que j’ai essayé de faire passer est que selon moi, il y a un problème fondamental au sujet du Botswana ; beaucoup de ses trésors restent méconnus auprès du grand public. Et dans un contexte où nos clients exigent, à juste titre, des garanties de plus en plus strictes sur l’origine des pierres précieuses, nous pourrions être confrontés à des temps très turbulents si nous n’établissons pas rapidement un récit authentique.
Après le sommet 30Under30, mon voyage s’est poursuivi à toute vitesse.
Tout d’abord, j’ai passé du temps au bureau de Lucara à Gaborone. J’ai pu jouer avec des diamants non polis et non taillés, mais qui promettaient une beauté exceptionnelle. Mais le diamant le plus poli qui a brillé le plus fort a été ma co-panéliste de Forbes, Naseem Lahri ! La longue conversation que j’ai eue avec elle m’a révélé une femme incroyablement éclairée et une professionnelle qui se soucie profondément du bien-être et du développement du Botswana. Une visionnaire qui m’a rappelé tout le travail extraordinaire accompli par Lucara pour changer les pratiques et les conceptions de l’industrie.
J’ai ensuite visité la mine de diamants de Debswana à Orapa, où ces gemmes extraordinaires sont extraites- des diamants extraordinaires qui renferment les secrets du temps et de la beauté. Ici, au milieu des paysages accidentés et de la terre scintillante, je me suis souvenu du dévouement et des compétences nécessaires pour extraire ces précieux trésors. Ce qui me frappe à chaque fois (et cette fois-ci n’est pas différente), ce sont les gens qui travaillent ici. Une communauté entière qui prospère – et pas seulement qui existe – en prenant soin de ce trésor parce qu’elle comprend qu’il est pour les gens, qu’il est à eux. D’un point de vue économique, on ne saurait trop insister sur l’importance des diamants naturels pour le pays. Le Directeur Général de la mine d’Orapa, Mogakolodi “Mogs” Maoketsa, s’exprime ainsi : “La mine est le plus grand trésor de Dieu. En tant qu’Africain, cela me remplit de fierté. Non seulement en raison du cadeau enfoui dans la terre, mais aussi parce qu’il a fallu des dirigeants vraiment inspirés pour faire de cette ressource naturelle un cadeau pour tous les Botswanais.
Enfin, je ne pouvais pas partir sans visiter le delta de l’Okavango, un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO et l’une des créations les plus étonnantes de la nature. Mosaïque de cours d’eau sinueux, d’îles luxuriantes et d’une faune diversifiée, le delta est un sanctuaire d’une beauté apaisante ; lions, zèbres et autres créatures majestueuses s’y croisent au sein d’une biodiversité sauvegardée pour les générations futures.
Assise dans l’avion qui me ramenait à Londres, j’ai essayé de réfléchir à mon voyage éclair. J’ai essayé de rassembler les idées que j’avais exprimées et les pensées qui m’avaient traversé l’esprit.
Au début de ma carrière, les gens me posaient sans cesse des questions sur les diamants issus des zones de conflits. Je me suis retrouvée à chercher mes mots pour expliquer ce qu’il en était. Je parlais longuement des millions de personnes qui dépendent de l’extraction des pierres précieuses en Afrique. L’objectif ne devrait pas être de leur ôter leur pain quotidien, mais de pousser à des réformes – à des améliorations. Aujourd’hui, les diamants issus des zones de conflits sont heureusement devenus un phénomène très marginal. Mais le monde devient, à juste titre, de plus en plus exigeant. La transparence de l’information et l’urgence des problèmes liés à l’environnement auxquels nous sommes tous confrontés ne laissent pas de place à l’erreur. Au moins la moitié de mes clients – et presque tous les plus jeunes – me posent des questions sur les liens avec l’environnement et les communautés des pierres précieuses avec lesquelles je travaille. Nombre d’entre eux hésitent entre les diamants naturels et les diamants synthétiques et ne sont pas conscients des dommages causés par ces derniers sur l’environnement et sur la vie des communautés. Les sensibilités changent très clairement d’une génération à l’autre.
La bonne nouvelle, c’est que les commentaires commencent enfin à changer du tout au tout. Nous pouvons inciter les consommateurs à aller au Botswana pour voir comment ça se passe. À l’heure actuelle, il devient enfin possible d’obtenir une pierre précieuse qui n’est pas seulement magnifique, mais qui contribue de manière positive au développement de la communauté qui l’a trouvée. Je m’efforce de raconter cette histoire parce qu’il est essentiel de mettre en lumière la transformation qui est en train de s’opérer dans l’industrie.
Mais l’histoire n’est pas correctement racontée. Les acteurs qui respectent les nouvelles règles doivent d’urgence faire un meilleur travail pour dévoiler l’histoire. En tant qu’industrie, nous devons collectivement être en mesure de fournir des réponses sur deux points : l’environnement et la vie des communautés.
D’un point de vue environnemental, l’extraction et la fabrication doivent être effectuées de manière transparente et de plus en plus durable, l’objectif étant de parvenir à zéro émission nette et à une pollution minime et fortement atténuée. Cela doit être fait dès que possible et facilement vérifiable, non seulement par les grandes entreprises, mais aussi par les plus petits bijoutiers. En ce qui concerne l’impact sur les communautés, nous devons comprendre que les sociétés minières seront questionnées non seulement sur leurs pratiques de travail, mais aussi sur la contribution qu’elles apportent au lieu d’extraction. Cette contribution ne se limite pas à des formations professionnelles symboliques et à quelques arbres plantés ici et là. Il s’agit de verser des salaires élevés, de payer des redevances justes, de transférer leur savoir-faire aux professionnels locaux et d’aider un pays à évoluer vers les niveaux les plus sophistiqués de l’industrie. Et tout cela poussera les concurrents et les autres pays à adopter des pratiques similaires.
Pour que ce secteur s’adapte et survive, il faut que tout le monde se tourne vers l’avenir, et vite. Les clients doivent pouvoir entrer dans une bijouterie ou un studio de création de bijoux et comprendre qu’ils contribuent au bien-être de millions de personnes d’une manière durable sur le plan environnemental et social. Sans avoir à devenir des experts de la chaîne d’approvisionnement ou à passer des heures à faire des recherches sur internet. Nous devons expliquer à tout le monde que les diamants ne sont pas seulement de jolies pierres, mais aussi un témoignage de ce qui s’est passé au Botswana et de ce qui est également possible dans de nombreux autres pays africains.
Enfin, pour moi, la durabilité signifie également un écosystème prospère où chacun joue son rôle de manière saine. Les grandes sociétés minières doivent mieux s’occuper de tous leurs clients. Nous avons besoin de grandes entreprises de luxe exemplaires. Elles interviennent à grande échelle et peuvent apporter de grands changements. Toutefois, de jeunes marques de joaillerie émergentes sont également nécessaires à l’écosystème. Elles permettent aux grandes entreprises de rester vigilantes et de continuer à innover. Ces créateurs de bijoux indépendants peuvent aider les sociétés minières à se protéger un peu en soutenant un marché plus large, avec plus d’acteurs. J’aimerais que les sociétés minières consacrent un peu plus d’attention à l’épanouissement des marques de joaillerie en plein essor. Cela permettrait de mieux soutenir l’écosystème de l’ensemble du secteur de manière durable.
Enfin, j’ai dérivé sur le fait que j’avais hâte de voir mes trois filles et de leur raconter ce voyage. Mes filles adorent les bijoux et tout ce qui brille. Nala, ma fille de deux ans, identifie les pierres précieuses de mes bijoux en fonction de leur couleur. Lorsqu’elle voit un diamant, elle insiste pour l’appeler “étoile scintillante”.
Découvrez les initiatives prises par le Natural Diamond Council et d’autres membres de l’industrie pour soutenir les créateurs de bijoux émergents : Emerging Designers Diamond Initiative (EDDI), Black in Jewelry Initiative, Diamond Facts. La plateforme Only Natural Diamonds a pour mission de diffuser auprès des consommateurs des informations sur les jeunes marques de bijoux émergentes et indépendantes et sur l’innovation au sein de l’industrie.